Le conte


La première version connue du conte de Charles Perrault provient d'un
manuscrit daté de 1695 intitulé "Le Maître Chat ou Le Chat Botté".



(le conte dans son intégralité est visible un peu plus bas)

Un Chat, apprenant qu'il risque de finir en repas pour son pauvre maître, demande à celui-ci des bottes
afin d'aller dans les broussailles y attraper du gibier.
Plusieurs mois durant, il offre au nom d'un certain Marquis de Carabas ses prises au Roi.
Puis, profitant d'une promenade de ce dernier, ruse pour que son maître apparaisse
 aux yeux du Roi comme étant le fameux Marquis, possédant de nombreux champs
ainsi qu'un château bien rempli.
Le Roi, ébloui, offre aussitôt la main de sa fille au "marquis", et le chat, devenu grand Seigneur,
profite alors d'une vie tranquille.



Dans le manuscrit originel, le chat de Charles Perrault n'est censé porter que des bottes
(voir d'ailleurs ci-dessus l'illustration de couverture du manuscrit).

Cependant, au fil des adaptations et des suites que certains auteurs ont donné au conte,
le chat s'est progressivement vu paré d'accessoires et de vêtements sans lien avec le texte de Charles Perrault.
Aujourd'hui, le Chat Botté est souvent perçu comme un mousquetaire portant l'épée.
Bien que décriée par les puristes, cette image d'un Chat Botté noble et finement costumé a probablement participé
au succès populaire du héros qui perdure plus de trois siècles après son écriture.

Les affiches du Chat Botté que nous vous proposons se veulent plus fidèles au conte d'origine et nous nous sommes basés
sur les illustrations de Gustave Doré de 1867 qui sont sans doute les illustrations anciennes les plus connues.

Illustrations de Gustave Doré réalisées en 1867

Avec un chapeau, une cape, une ceinture, une paire de bottes et des griffes plein les pattes,
ce Chat Botté reste cohérent avec le conte et offre déjà à l'illustrateur matière à travailler.


Illustrations de Carl Offterdinger, Gustave Doré, et Moritz Von Schwind

Un Meunier ne laissa pour tous biens à trois enfants qu'il avait, que son Moulin, son âne, et son chat.
Les partages furent bientôt faits, ni le Notaire, ni le Procureur n'y furent point appelés.
Ils auraient eu bientôt mangé tout le pauvre patrimoine.
L'aîné eut le Moulin, le second eut l'âne, et le plus jeune n'eut que le Chat.
Ce dernier ne pouvait se consoler d'avoir un si pauvre lot :

Mes frères, disait-il, pourront gagner leur vie honnêtement en se mettant ensemble ; pour moi,
lorsque j'aurai mangé mon chat, et que je me serai fait un manchon de sa peau,
il faudra que je meure de faim.

Le Chat qui entendait ce discours, mais qui n'en fit pas semblant, lui dit d'un air posé et sérieux :

Ne vous affligez point, mon maître, vous n'avez qu'à me donner un Sac, et me faire faire
une paire de Bottes pour aller dans les broussailles, et vous verrez que vous n'êtes pas si mal partagé
que vous croyez. Quoique le Maître du chat ne fît pas grand fond là-dessus, il lui avait vu faire tant
de tours de souplesse, pour prendre des Rats et des Souris, comme quand il se pendait par les pieds,
ou qu'il se cachait dans la farine pour faire le mort, qu'il ne désespéra pas d'en être secouru
dans sa misère.


Lorsque le chat eut ce qu'il avait demandé, il se botta bravement, et mettant son sac à son cou,
il en prit les cordons avec ses deux pattes de devant, et s'en alla dans une garenne où il y avait
grand nombre de lapins. Il mit du son et des lasserons dans son sac, et s'étendant
comme s'il eût été mort, il attendit que quelque jeune lapin, peu instruit encore des ruses
de ce monde, vînt se fourrer dans son sac pour manger ce qu'il y avait mis.


À peine fut-il couché, qu'il eut contentement ; un jeune étourdi de lapin entra
dans son sac, et le maître chat tirant aussitôt les cordons le prit et le tua sans miséricorde.
Tout glorieux de sa proie, il s'en alla chez le Roi et demanda à lui parler. On le fit monter
à l'Appartement de sa Majesté, où étant entré il fit une grande révérence au Roi, et lui dit :

Voilà, Sire, un Lapin de garenne que Monsieur le Marquis de Carabas (c'était le nom
qu'il lui prit en gré de donner à son Maître), m'a chargé de vous présenter de sa part.
Dis à ton Maître, répondit le Roi, que je le remercie, et qu'il me fait plaisir.

Une autre fois, il alla se cacher dans un blé, tenant toujours son sac ouvert ;
et lorsque deux Perdrix y furent entrées, il tira les cordons, et les prit
toutes deux. Il alla ensuite les présenter au Roi, comme il avait fait le Lapin de garenne.
Le Roi reçut encore avec plaisir les deux Perdrix, et lui fit donner pour boire.
Le chat continua ainsi pendant deux où trois mois à porter de temps en temps au Roi
du Gibier de la chasse de son Maître. Un jour qu'il sut que le Roi devait aller
à la promenade sur le bord de la rivière avec sa fille, la plus belle Princesse du monde,
il dit à son Maître :

Si vous voulez suivre mon conseil, votre fortune est faite : vous n'avez qu'à vous baigner
dans la rivière à l'endroit que je vous montrerai, et ensuite me laisser faire.
Le Marquis de Carabas fit ce que son chat lui conseillait, sans savoir à quoi cela serait bon.

Dans le temps qu'il se baignait, le Roi vint à passer et le Chat se mit à crier de toute sa force :

Au secours, au secours, voilà Monsieur le Marquis de Carabas qui se noie !


À ce cri le Roi mit la tête à la portière, et reconnaissant le Chat qui lui avait apporté tant de fois
du Gibier, il ordonna à ses Gardes qu'on allât vite au secours de Monsieur le Marquis de Carabas.
Pendant qu'on retirait le pauvre Marquis de la rivière, le Chat s'approcha du Carrosse,
et dit au Roi que dans le temps que son Maître se baignait, il était venu des Voleurs
qui avaient emporté ses habits, quoiqu'il eût crié au voleur de toute sa force ;
le drôle les avait cachés sous une grosse pierre.

Le Roi ordonna aussitôt aux Officiers de sa Garde-robe d'aller quérir un de ses plus beaux habits
pour Monsieur le Marquis de Carabas. Le Roi lui fit mille caresses, et comme les beaux habits
qu'on venait de lui donner relevaient sa bonne mine (car il était beau, et bien fait de sa personne),
la fille du Roi le trouva fort à son gré et le Comte de Carabas ne lui eut pas jeté deux ou trois regards
fort respectueux, et un peu tendres, qu'elle en devint amoureuse à la folie.

Le Roi voulut qu'il montât dans son Carrosse, et qu'il fût de la promenade.
Le Chat ravi de voir que son dessein commençait à réussir, prit les devants, et ayant rencontré
des Paysans qui fauchaient un Pré, il leur dit :

Bonnes gens qui fauchez, si vous ne dites au Roi que le pré que vous fauchez
appartient à Monsieur le Marquis de carabas, vous serez tous hachés menu comme chair à pâté.


Le Roi ne manqua pas à demander aux Faucheux à qui était ce Pré qu'ils fauchaient
 C'est à Monsieur le Marquis de Carabas, dirent ils tous ensemble car la menace du Chat
leur avait fait peur. Vous avez là un bel héritage, dit le Roi au Marquis de Carabas.
Vous voyez, Sire, répondit le Marquis, c'est un pré qui ne manque point de rapporter abondamment
toutes les années. Le maître Chat, qui allait toujours devant, rencontra des Moissonneurs, et leur dit :

Bonnes gens qui moissonnez, si vous ne dites que tous ces blés appartiennent
à Monsieur le Marquis de Carabas, vous serez tous hachés menu comme chair à pâté.

Le Roi, qui passa un moment après, voulut savoir à qui appartenaient tous les blés qu'il voyait.
C'est à Monsieur le Marquis de Carabas, répondirent les Moissonneurs,
et le Roi s'en réjouit encore avec le Marquis.
Le Chat, qui allait devant le Carrosse, disait toujours la même chose à tous ceux qu'il rencontrait ;
et le Roi était étonné des grands biens de Monsieur le Marquis de Carabas.


Le maître Chat arriva enfin dans un beau Château dont le Maître était un Ogre,
le plus riche qu'on ait jamais vu, car toutes les terres par où le Roi avait passé étaient
de la dépendance de ce Château. Le Chat, qui eut soin de s'informer qui était cet Ogre,
et ce qu'il savait faire, demanda à lui parler disant qu'il n'avait pas voulu passer si près
de son Château, sans avoir l'honneur de lui faire la révérence.
L'Ogre le reçut aussi civilement que le peut un Ogre, et le fit reposer.


On m'a assuré, dit le Chat, que vous aviez le don de vous changer en toute sorte d'Animaux,
que vous pouviez par exemple, vous transformer en Lion, en Éléphant ?
Cela est vrai, répondit l'Ogre brusquement, et pour vous le montrer,
vous m'allez voir devenir Lion.

Le Chat fut si effrayé de voir un Lion devant lui, qu'il gagna aussitôt les gouttières,
non sans peine et sans péril, à cause de ses bottes qui ne valaient rien pour marcher sur les tuiles.

Quelque temps après, le Chat, ayant vu que l'Ogre avait quitté sa première forme,
descendit, et avoua qu'il avait eu bien peur.

On m'a assuré encore, dit le Chat, mais je ne saurais le croire, que vous aviez
aussi le pouvoir de prendre la forme des plus petits Animaux, par exemple, de vous changer
en un Rat, en une Souris ; je vous avoue que je tiens cela tout à fait impossible.

Impossible ? reprit l'Ogre, vous allez voir, et en même temps il se changea en une Souris,
qui se mit à courir sur le plancher. Le Chat ne l'eut pas plus tôt aperçue qu'il se jeta dessus,
et la mangea.

Cependant le Roi, qui vit en passant le beau Château de l'Ogre, voulut entrer dedans.
Le Chat, qui entendit le bruit du Carrosse qui passait sur le pont-levis, courut au-devant, et dit au Roi :
Votre Majesté soit la bienvenue dans ce Château de Monsieur le Marquis de Carabas.
Comment, Monsieur le Marquis, s'écria le Roi, ce Château est encore à vous !
Il ne se peut rien de plus beau que cette cour et que tous ces Bâtiments qui l'environnent ;
voyons les dedans, s'il vous plaît.


Le Marquis donna la main à la jeune Princesse, et suivant le Roi qui montait le premier,
ils entrèrent dans une grande Salle où ils trouvèrent une magnifique collation
que l'Ogre avait fait préparer pour ses amis qui le devaient venir voir ce même jour-là
 mais qui n'avaient pas osé entrer sachant que le Roi y était. Le Roi charmé des bonnes qualités
de Monsieur le Marquis de Carabas, de même que sa fille qui en était folle,
et voyant les grands biens qu'il possédait, lui dit, après avoir bu cinq ou six coups :

Il ne tiendra qu'à vous, Monsieur le Marquis, que vous ne soyez mon gendre.

Le Marquis, faisant de grandes révérences, accepta l'honneur que lui faisait le Roi ;
et dès le même jour épousa la Princesse.

Le Chat devint grand Seigneur et ne courut plus après les souris que pour se divertir.

***